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Christophe FOURVEL / 2024
in : l’annuaire des artistes de Bourgogne-Franche-Comté

​texte commandité par Seize Mille réseau art contemporain, Bourgogne-Franche-Comté`

 

Charlotte Audoynaud travaille uniquement avec un appareil argentique. Un Hasselblad, un boitier à l’apparence de caméra du siècle dernier et au viseur de poitrine, le même qui accompagna les astronautes sur la lune au tournant des années 70. Cela changera peut-être un jour, sous le poids de la nécessité financière mais jusqu’à aujourd’hui, la photographe (née en 1986), persiste à décliner tous les possibles immenses que font miroiter nos logiciels. Il faut, pour qui refuse la tentation différée de transformer l’image sur son écran d’ordinateur, obtenir l’acquiescement du ciel, une bienveillance de la lumière ; accepter de s’arrêter de photographier avant le crépuscule ou bien de commencer avec lui. Mais cette allégeance au temps linéaire rend aussi plus prégnantes la finitude de toute chose, la constance et la précarité de ce qui nous importe. Alors, sur les photographies argentiques de Charlotte Audoynaud, l’histoire immémoriale ose sa patine sous l’histoire immédiate, les enfants grandissent et les adultes vieillissent dans cette permanence à laquelle on feint de croire pendant les quelques décennies où il nous est donné de vivre parmi les arbres, les saisons et leurs cycles presque éternels. Les paysages, les gestes, les corps dessinent des lieux et des moments de vie familiaux très peu fortuits sans toutefois relever d’une mise en scène appuyée. Attitudes quasi dessinées, presque picturales, sous-tendues par une confiance palpable. Charlotte photographie sa mère, ses enfants, ses frères et sa sœur au sein de décors toujours réduits à quelques objets — une table, un radiateur, un mur, un vase. Elle photographie les saisons, le territoire environnant de sa maison, les animaux qui veulent bien ralentir sur son chemin ; la compagnie des vagues, parfois. Une nature jamais édifiante et à l’abord adouci par une manière routinière de la traverser. On entre en forêt, on arrive sur la roche marine comme on surprendrait un être familier au réveil et cette présence sauvage est comme le deuxième cercle de l’intime, le remblai qui fait pendant au creusé d’une rêverie solitaire. Le travail de Charlotte Audoynaud est en couleur mais imbibé d’une douceur chromatique, livré parfois à des brumes ou des ombres gourmandes. Là est peut- être le point de la plus poétique tension, une dualité à la fois complice et contraire qui fait se confronter dans la même image, une fragilité de la lumière et la solidité des liens tissés avec les êtres et l’espace élu comme lieu de vie. Et cela « s’écrit » sous forme de chapitres, (c’est ainsi que Charlotte nomme les différentes séries de son travail) c’est à dire dans une continuité qui réclame ses paliers, ses ruptures minimes ; ou du moins qui les suggèrent. Aux côtés de ses images, Charlotte expose des textes qu’elle écrit elle-même comme des voies que le regard peut arpenter en parallèle de ses photographies ; ni pléonastiques, ni explicatifs, ils sont une résonance toute personnelle, puisés à la même veine que les titres qu’elle aime donner aux différents chapitres de son travail : « J’irai creuser la mer », « Étreindre les ombres », « Nos cris intérieurs ». On fait un pas de plus vers les cadrages à la fois contemplatifs et tourmentés de Tarkovski. On comprend mieux l’enjeu de sa démarche en lisant certaines de ces phrases, qui disent ce qui, du paysage, est à la fois soi et déchargé de soi. Comment « les oiseaux » dans le ciel deviennent « nos oiseaux » tout en conservant leur innocence :


Mes oiseaux sont innocents, ils n’ont pas connu la perte, l’absence, le manque. Ils sont vie et joie, mais aussi colère et larmes. Ils sont forts et fragiles à la fois. Naufragés échoués d’un matin d’automne, ils évoluent dans un équilibre précaire, de roche en roche, de failles en creux, dans un brouhaha silencieux d’écume.


Pareils mots sont autant les fils qui cousent un parcours entre les images que la toile fragile tissée par la pensée de celui ou celle qui choisit de photographier. Ils confortent l’évidence ressentie au contact du visible ou proposent de s’en écarter pour un infime différent. Ils s’offrent à nos regards, sur les murs, comme les autoportraits littéraires d’une artiste qui ne retourne jamais l’objectif de son Hasselblad vers elle-même.

Perle MORDAN / 2021

in : Agitation Podcast, Soundcloud

Le bruit des orgues / exposition Charlotte Audoynaud

Un podcast poétique à écouter.

Une exposition mensuelle était en cours sur les murs de COEF 180, la zone blanche. Charlotte Audoynaud y exposait ses clichés, capturés en Ardèche, lors d'un certain été 2020. On pourrait croire à un poème délicat et juste, se sont le nom des séries de clichés de Charlotte Audoynaud, photographe et vidéaste, elle vous invite au voyage. Ce n'est pas seulement un oeil qui capture l'éphémère, elle est de ces personnes qui n'écrivent pas, elle vous invite à danser avec elle. Le bruits des orgues, vous n'étiez pas près, vous n'aviez pas encore enfilé votre plus beau costume que vous vous trouvez déjà emporté parmi la foule, à tourner autour de ses notes, ses mots, enveloppés de ses couleurs. Tantôt mélancolie, tantôt tendresse, tantôt trop tôt mais temps qui passe. Les clichés de Charlotte m'ont transmis une grande inspiration, à plein poumons. Souvent et presque tout le temps, la plume de sa soeur Mathilde rejoint le bal, elles gravitent ensemble autour de lettres et syntaxes, en plein apesanteur elle vous saisit. Elles y ont déposé une attention tout particulière, car oui, si vous vous aventurez dans la lecture de ces versets, vous y rencontrerez la plume légère de Mathilde, le savant mélange amer et sucré d'un temps déjà passé, là, derrière. c'est inévitable, quand Charlotte parle du futur incertain, elle nous parle bien du présent qui le forme seconde après seconde.
L'intention, c'était de construire un projet autour de son exposition Le bruit des orgues, et j'ai rencontré Charlotte, et nous avons échangé sur son travail, plusieurs fois, et je pense avoir compris quelque chose, autre chose. J'ai parcouru Le bruit des orgues dans l'intention de les entendre, la plume de Mathilde m'a indiqué le chemin, et j'y ai découvert Charlotte. Cachée derrière son orgue, elle compose et s'amuse des siens, nous assistons là à une pièce de théâtre improvisée.

Alexandre BERTRAND / 2019

 

Déjà, les jours rallongent. Une faible lueur commence à poindre dans les pièces aux murs blanchis par l'homme et jaunis par le temps. Le clair obscur est ici une ode à l’éternel recommencement ; où l'hiver, sombre et morne laisse place à un printemps plus lumineux et vivant. Il dépeint également une ambivalence : une temporalité permanente. Celle de la Terre immuable et majestueuse et la nôtre, nous renvoyant inlassablement à notre condition d'Homme, simple passager sur Terre.

Léonor MATET / 2022

in : la revue d’art contemporain en ligne, Lacritique.org

Le conte naturel de Charlotte Audoynaud

« Mes séries sont des microterritoires, avec un espace-lieu et à un espace-temps assez précis, mais hors du temps ». Charlotte Audoynaud, née en 1986, décrit ainsi le coeur de son travail. A l’origine de cet univers visuel et textuel poétique, ce sont des vacances en famille.

Des retrouvailles qui se tiennent rituellement dans des lieux isolés et sauvages, depuis la disparition d’un être cher. La photographe n’a, depuis lors, de cesse que de photographier ceux qui sont autour, représenter les absents par leur présence et faire vivre les vivants. Son cadre est romantique, et les enjeux de la société contemporaine sont oubliés un instant, au profit de l’abandon de soi, du calme, de l’épanouissement de l’être dans le lien qu’il noue avec la nature. C’est finalement un nouveau monde intime qui s’offre à voir, peuplé de sujets-corps singuliers mais anonymes, devenant ainsi universels, tel un conte imagé, qui s’écrit au fil du temps et évolue. La micropopulation s’agrandit avec l’arrivée d’enfants, perpétuant inconsciemment la tradition de cette réunion et nourrit le récit de Charlotte Audoynaud. Des fragments d’éléments naturels devenant des fragments de vie, voici le théâtre de ses mises en scène, dont l’approche est décidément instinctive.

Les personnages de son conte évoluent dans « des espaces restreints que l’on expérimente ensemble, précise-t-elle, avec une relation intime aux lieux, même s’ils n’ont été traversés que quelques instants ». Le temps d’un été.

« Composer un ailleurs avec ce qui nous est proche ». C’est peut-être celui-ci le conte que l’artiste défend, celui d’un monde imaginaire créé non pas pour remplacer la réalité, mais peut-être pour l’adoucir ou traduire des émotions autrement.


Mathias NOUEL / 2022
in : livret exposition MP#2, Galerie VU’

Charlotte Audoynaud trace les contours d’un territoire plus évanescent, celui de l’enfance, dont elle cherche le souvenir à travers le quotidien d’enfants qui ne sont plus vraiment les siens, rendus par la photographie et dans un vertige, à la lumière et la nature.

Lou TSATSAS / 2020

in : rubrique web, Les coups de coeur #302, Fisheye Magazine

« Je développe ma pratique photographique entre récit personnel et fiction. Je capte des instants de vie, des lieux parcourus au quotidien. Je cherche par le cadrage, la lumière ou des mises en scène éphémères à constituer des séries oniriques où la frontière entre le réel et le rêve est infime », raconte Charlotte Audoynaud, photographe et vidéaste. Diplômée des Beaux-Arts, l’artiste réalise des séries intimes et sensibles, semblables aux entrées d’un journal intime. L’être instable, projet né durant le confinement, s’inspire de « la promiscuité extrême, presque étouffante, entre les êtres ». Tentant désespérément de renouer avec une nature lointaine, la photographe met en scène ses enfants à côté d’éléments trouvés au coeur de leurs quelques excursions urbaines. Une collection d’images ludiques et délicates.

Alice DELANGHE / 2020

 

Les mises en scènes photographiques de Charlotte Audoynaud semblent coupées du monde, des espaces et des histoires du quotidien que nous connaissons. Les rapports de hiérarchie entre les adultes et les enfants s'effacent, ils sont personnages égaux et inventent de nouveaux liens familiaux dans une nature grandiose, initiatique et originelle. La figure maternelle est incarnée tantôt par des personnages, tantôt par la nature elle-même. Charlotte, devenue mère à son tour en 2013, formalise avec ses images, certains sentiments intrinsèques à la maternité, qu'on peine parfois à exprimer dans un quotidien domestique. Ses séries ponctuent le temps qui passe à travers des portraits, des récits d'aventures, à l'instar d'un album de photos de famille. Le temps est un enjeu crucial dans ses photographies. Il est celui qui fait grandir nos enfants et mourir nos parents; mais ici, chacun semble éternel. Son traitement du temps et du portrait sublime la peur de se voir mort ou bloqué dans une image que provoquaient les premiers portraits popularisés au 19e siècle. Devenir immortel dans une photographie de Charlotte, est une invitation à l'errance dans un monde candide, que l'on n'a plus envie, même une fois adulte, de laisser filer.

Emmanuelle BORDURE-AUFFRET / 2021

in : rubrique web, Le télégramme

(...)Le nouveau format des Zones blanches est inauguré par le travail de la photographe Charlotte Audoynaud. Formée à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon, l’artiste développe un travail poétique et sensible, construit autour de l’humain et de son lien, presque animal, à la nature. Entre infinie nostalgie, construction paysagère et présence du corps, son exposition « Le bruit des orgues » propose un voyage intime et sauvage à travers le temps et la nature. Les orgues en question font référence aux orgues basaltiques de Jaujac, en Ardèche, que les photographies de Charlotte Audoynaud font murmurer dans les rues malouines, le temps d’une exposition.

Mathilde AUDOYNAUD / 2020


Le bruit des orgues

La conscience est continue, c’est une rivière qui coule constamment sans point ­d’arrêt. Le lâcher prise, faire confiance à nos sens plutôt qu’à nos pensées qui divaguent sans fins, nous permet de vivre en harmonie avec le monde qui nous entoure. En étant là dans le temps véritable qu’est le présent, nous prenons la décision de nous laisser ­flotter dans l’écoulement de la rivière. C’est une volonté de se laisser naviguer par les choses autour de nous, la ­sensation de la roche sous nos pieds, des feuilles s’entremêlant dans nos ­cheveux, de la douceur de l’eau qui apaise notre corps. Le choix du silence, décider de ne plus écouter nos ­pensées, mais de faire confiance à notre corps et le monde extérieur où il est en mouvement.

 

L'être instable

Nous sommes des êtres impermanents, qui vivons dans un monde qui change constamment. Le temps nous ­emprisonne et nous entraîne vers une finalité inévitable. ­Le changement est une notion angoissante de notre vie au point que nous ne ­pensons plus au temps présent, mais au futur incertain. Les enfants regardent les choses ­autour d’eux, ils observent le ­mouvement de la vie et s’émerveillent. Ils comprennent que nous ne sommes pas séparés de la nature, du monde extérieur qui nous entoure. Ils ­embrassent les choses simples, s’immergent dans le vrai temps, le présent. Les petits êtres voient les choses de manière claire et distincte, ils acceptent ­l’impermanence des choses.

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